Assemblée : pas de pause législative depuis la réforme des retraites, mais un ordre du jour incertain pour la suite

Actualité
Image
L'hémicycle de l'Assemblée nationale, le 28 juin 2022
L'hémicycle de l'Assemblée nationale, le 28 juin 2022 (Christophe ARCHAMBAULT / AFP)
par Raphaël Marchal, le Vendredi 14 avril 2023 à 08:00, mis à jour le Dimanche 16 avril 2023 à 19:56

Depuis l'adoption de la réforme des retraites par le Parlement et dans l'attente des décisions du Conseil constitutionnel, le débat politique reste focalisé sur les retraites. Ces dernières semaines, plusieurs textes ont cependant été adoptés par l'Assemblée nationale. L'ordre du jour des prochains mois est en revanche encore à bâtir. 

La machine législative à l'arrêt ? Vu de loin, c'est l'impression que peut donner le débat politique qui reste focalisé sur la réforme des retraites depuis son adoption définitive, le 20 mars, et en attendant les décisions que rendra le Conseil constitutionnel, ce vendredi 14 avril. Pourtant, après l'examen sous haute tension de la réforme à l'Assemblée nationale, les députés ont poursuivi leur travail législatif avec des débats sans concession sur le fond, mais dans une ambiance globalement plus sereine. 

Certains textes ont même été adoptés à l'unanimité, comme la proposition de loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, travaillée de façon transpartisane et portée par les députés  Arthur Delaporte (Socialistes) et Stéphane Vojetta (apparenté Renaissance).

UNE "BULLE DE PAIX"

Sur Twitter, le député de la majorité a détaillé la méthode mise en œuvre avec son collègue de l'opposition pour arriver à ce résultat : créer une "bulle de paix" au milieu d'une "Assemblée volcanique", puis installer un groupe de travail transpartisan afin de surmonter les différences originelles. In fine, le texte a été approuvé en première lecture par l'ensemble des députés présents dans l'hémicycle, le 30 mars dernier. Soit dix jours après la journée électrique qui a abouti au rejet des motions de censures déposées contre le gouvernement et donc à l'adoption définitive de la réforme des retraites par le Parlement. 

Dans la même veine, un autre texte a recueilli l'unanimité en première lecture : la proposition de loi de Sacha Houlié (Renaissance), qui vise à faciliter l'obtention du permis de conduire. C'est également le cas de la proposition de loi visant à davantage encadrer les centres de santé, portée par Fadila Khattabi (Renaissance), qui a été adoptée le 28 mars.

DES MAJORITÉS TEXTE PAR TEXTE 

Au-delà de ces rares moments consensuels sur des lois d'initiative parlementaire, le gouvernement a continué, comme depuis le début de la législature, à faire voter ses textes en construisant des "majorités de projet" sujet après sujet. Sans accord de gouvernement allant au-delà de la coalition présidentielle, la méthode consiste à faire en sorte que d'autres groupes acceptent de voter un projet de loi avec la majorité relative qui soutient l'exécutif ou, au moins, d'obtenir un certain nombre d'abstentions qui permettent de faire passer un texte. Le plus souvent avec le renfort des Républicains, parfois avec celui du Rassemblement national ou d'une partie de la Nupes. 

Au-delà de l'Assemblée, cette méthode passe aussi par la capacité à bâtir des compromis avec le Sénat où la droite est majoritaire. C'est ainsi que le projet de loi sur les Jeux Olympiques de 2024 a été définitivement adopté cette semaine et que le gouvernement compte faire adopter définitivement le projet de loi d'accélération du nucléaire qui a été voté par les deux Chambres en première lecture. 

Récemment, c'est aussi par addition de voix  que la proposition de loi "anti-squat" de Guillaume Kasbarian (Renaissance) a été adoptée en deuxième lecture. Un texte initié par l'opposition a, par ailleurs, été adopté lors de la journée d'initiative parlementaire des députés écologistes, le 6 avril. Portée par Sandrine Rousseau, la proposition de loi visant à mieux indemniser les propriétaires de maisons fissurées touchés par le phénomène de retrait-gonflement de l'argile a été votée en première lecture, la plupart des députés de la majorité ayant décidé de s'abstenir malgré un certain nombre de critiques, non sur le principe, mais sur la forme et le fond du texte. 

ET MAINTENANT ?

Les propositions et projets votés ces dernières semaines, étaient cependant des textes qui avaient déjà amorcé leur parcours législatif avant la bataille de la réforme des retraites. Pour la suite, le calendrier législatif est plus incertain, Emmanuel Macron ayant notamment décidé de temporiser sur le projet de loi portant sur l'immigration, sujet lui aussi très clivant, sur lequel le gouvernement risquait d'être pris en étau entre la gauche et la droite. 

Pour favoriser l'adoption des projets à venir, le Président et la Première ministre ont fait part de leur volonté que le gouvernement et la majorité travaillent sur textes courts, afin de légiférer sur des sujets précis, avec l'idée de garantir des majorités texte par texte grâce à un travail, en amont de leur examen, associant d'autres groupes politiques que ceux de la coalition présidentielle. 

Dans les prochaines semaines, le principal projet qui entamera son parcours législatif sera la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, dont l'examen est prévu à partir du 9 mai en commission et à partir du 22 mai dans l'hémicycle de l'Assemblée. Son inscription à l'ordre du jour est cependant suspendue à une décision du Conseil constitutionnel à propos de l'étude d'impact du texte que les oppositions estiment insuffisante.

Auditionné jeudi 13 avril par la commission des affaires étrangères, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a affiché sa confiance à ce sujet, estimant que l'étude d'impact était "plus dense et plus solide que les précédentes".

Pour la suite, le thème de l'immigration reste d'actualité, mais le projet de loi initialement prévu devrait être divisé en plusieurs textes. Par ailleurs, le gouvernement réfléchit à un texte pour rattraper les mesures sur l'emploi des seniors qui pourraient éventuellement être censurées par le Conseil constitutionnel si celui-ci estimait qu'elles n'ont pas leur place dans la réforme des retraites compte tenu du véhicule législatif qui été choisi par l'exécutif. Un grand projet de loi sur le travail et l'emploi est en outre en préparation. Mais pour quelques heures encore, la stratégie de l'Elysée et de Matignon est suspendue au verdict des Sages sur la réforme des retraites. 

L'exécutif aura ensuite un peu de temps pour réfléchir aux priorités pour la suite de la session parlementaire et de la législature. En effet, à partir de ce vendredi 14 avril au soir, comme prévu par le calendrier du Parlement, l'Assemblée nationale et le Sénat feront une pause de deux semaines dans leurs travaux législatifs.