Christchurch : "C’est notre responsabilité de faire mieux", reconnaît Facebook après la diffusion de la vidéo de l’attentat

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par Jason Wiels, le Jeudi 21 mars 2019 à 16:55, mis à jour le Lundi 4 janvier 2021 à 15:00

Les responsables des affaires publiques de Facebook, Twitter et Google étaient auditionnés jeudi à l'Assemblée afin de mieux comprendre la modération des contenus sensibles. L'occasion pour le représentant de Facebook de revenir sur la diffusion en direct, par son auteur, de la tuerie de Christchurch en Nouvelle-Zélande. Une vidéo restée dix-sept minutes en ligne sur le réseau social.

"Sur 3 milliards d'utilisateurs, c'est un énorme défi de trouver en quelques minutes une vidéo de ce type, c'est l'aiguille dans une botte de foin." Devant les députés, le responsable des affaires publiques de Facebook France a reconnu jeudi le casse-tête que constituait la diffusion d'une vidéo comme celle de l'attentat de Christchurch, le 15 mars dernier. "Malheureusement, il y a des assassins qui utilisent nos technologies. Il y a quelques années, supprimer la vidéo aurait pu prendre une heure ou deux. Ce délai a été réduit à dix-sept minutes", précise Anton'Maria Battesti.

Dix-sept minutes de trop ? "En l'état de l'art, il aurait été difficile de faire mieux mais c'est de notre responsabilité de faire mieux", concède le représentant de l'entreprise américaine. En tout, 1,5 million copies de la vidéo ont été retirées dans les vingt-quatre heures suivant la tuerie, dont 80% ont pu être censurées avant leur mise en ligne. "Cela pose la question de l'équilibre mental des personnes qui partagent ce type de vidéo sur les réseaux sociaux, ce qui nous déplace complètement en tant qu'entreprise...", interroge Anton'Maria Battesti.

Tests et coopération

C'est pourtant bien en offrant de nouveaux outils d'expression, comme la vidéo et, depuis quelques années, la capacité de diffuser un événement en direct, que Facebook et d'autres plateformes se sont exposés à ce risque. L'exemple néo-zélandais étant le dernier exemple d'une triste série, tels le meurtre de deux journalistes américains en Virginie en 2015, la tuerie de Dallas de 2016 ou la vidéo d’un père qui a tué son bébé avant de se suicider en Thaïlande en 2017.

Pour contrer cette propagation de contenus atroces, les acteurs du numérique se reposent sur le signalement des internautes ou sur le développement d'algorithmes. En matière de pédopornographie, Facebook affirme ainsi arriver à bloquer la quasi-totalité des contenus grâce à la technologie.

Le niveau de coopération s'est également récemment renforcé entre les plateformes afin d'éviter la propagation de vidéos sensibles. Depuis 2017, le Global Internet Forum to Counter Terrorism leur permet d'organiser le partage d'information : "Après le terrible attentat de Christchurch, nos entreprises respectives ont abondé cette base de données avec plus de 800 empreintes numériques", explique Audrey Herblin-Stoop, directrice des affaires publiques de Twitter France.

Ces empreintes, c'est-à-dire un ensemble de données qui permettent d'identifier un contenu, permettent également aux plus petits acteurs du secteur de réagir plus rapidement. Ils n'ont en effet pas l'armée de modérateurs d'un Google (10 000 personnes dans le monde) ou d'un Facebook (30 000 personnes) qui œuvrent en permanence sur leurs plateformes.

 

Des améliorations que vérifie l'Union européenne, qui a édicté un code de bonne conduite pour les hébergeurs de contenu en 2016. "Régulièrement, la Commission européenne va tester la robustesse de nos outils, en testant et en nous notifiant des contenus, pour vérifier si nos outils correspondent aux objectifs", détaille également Benoît Tabaka, directeur des relations institutionnelles de Google France.

Haro sur le huis clos

Cette table ronde publique, organisée par la commission d'enquête sur la lutte contre les groupuscules d'extrême droite, a aussi été émaillée par de vifs échanges entre le représentant de Facebook France d'un côté et la présidente Muriel Ressiguier (LFI) et le rapporteur Adrien Morenas (LaREM) de l'autre. Le premier a reproché d'emblée aux seconds de ne pas avoir accédé à sa demande de huis clos, pour des raisons de sécurité. Le rapporteur a répliqué en dénonçant les "appels incessants" et une tentative de contourner les députés en remontant "jusqu'à la présidence de l'Assemblée nationale" de la part du géant américain. Ambiance...