Fin de vie : la loi Claeys-Leonetti passée au crible par les députés

Actualité
par Soizic BONVARLET, le Jeudi 12 janvier 2023 à 14:38, mis à jour le Vendredi 20 janvier 2023 à 14:31

La mission d'évaluation de la loi de 2016 sur la fin de vie, dite "Claeys-Leonetti", a amorcé, jeudi 12 janvier, un cycle d'auditions qui a débuté par celle de l'ex-député Jean Leonetti. Présidée par Olivier Falorni (MoDem) et composée de 19 députés, la mission rendra son rapport fin mars.

La France est-elle un pays où l'on meurt mal ? Telle était la question au centre des échanges qui ont eu lieu ce jeudi, dans le cadre de la mission d'évaluation relative à la dernière loi sur la fin de vie, portée par Alain Claeys et Jean Leonetti, et votée en 2016.

Alors que le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) avait rendu en septembre dernier un avis envisageant l'introduction dans le droit français d'une "aide active" à mourir strictement encadrée, et qu'une convention citoyenne sur la fin de vie, voulue par le président de la République, a démarré ses travaux en décembre, la mission d'évaluation transpartisane a procédé à ses premières auditions. L'un des co-rapporteurs de la loi de 2016 en la personne de Jean Leonetti, s'est notamment exprimé sur sa mise en oeuvre concrète et les éventuelles évolutions à y apporter.

Une loi mal appliquée ?

La loi du 2 février 2016 a créé des droits nouveaux et renforcés à l’égard des patients en fin de vie, posant le principe selon lequel toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée. Elle renforce ainsi le droit d'accès aux soins palliatifs, tout en faisant une large place aux directives anticipées, ainsi qu'à la désignation de la personne de confiance. et institutionnalise la sédation profonde et continue (à la demande du malade, en cas de souffrance dite "réfractaire" et de perspective de décès à court terme).

Interrogé sur l'élaboration de sa loi, Jean Leonetti a évoqué le "conflit de valeurs", entre "une éthique de la fragilité, de la vulnérabilité, de la solidarité, face à une éthique de l’autonomie et de la liberté". L'ancien député Les Républicains a aussi indiqué avoir été guidé par l'objectif de réfléter "un juste équilibre" au travers des mesures du texte.

L'ex-ministre de Nicolas Sarkozy et médecin, qui a porté ce texte avec son collègue du Parti socialiste Alain Claeys, a regretté un défaut de moyens et de diffusion de l’information afin de faire appliquer la loi existante, avant de déplorer le fait que les soins palliatifs restent le "parent pauvre" de la médecine actuelle, axée sur le curatif.

Les pistes d'amélioration de la loi existante

Jean Leonetti a formulé plusieurs préconisations, dont la nécessité de doter de structures palliatives les 26 départements qui n’en ont pas, et de remédier urgemment à la situation des "12% de gens qui hurlent encore de douleur dans nos hôpitaux parisiens". Il a également évoqué la possibilité de "peut-être forcer un peu plus qu’on ne le fait actuellement sur les directives anticipées". En France, seules 13% des personnes, malades ou non, remplissent ces directives.

"Si on améliore [ce texte], on va un peu le torturer", a-t-il cependant considéré, admettant avoir élaboré une loi "très imparfaite, remplie de doutes", mais considérant que "ce n’est pas plus mal qu’il y ait un peu de flous et de doutes à certains endroits, pour laisser des possibilités d’initiatives conformes à la loi".

Également auditionnée, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) avait rendu un rapport sur la loi en avril 2018. Louis Charles-Viossat, l'un de ses deux co-auteurs, a évoqué un chemin parcouru qualifié de "significatif", à partir de la promulgation de la loi de 2016.

Stéphanie Fillion a pour sa part salué une loi qui a su créer une nouvelle dynamique, mais regretté un certain nombre de préalables pour son application pleine et entière qui faisaient encore défaut en 2018. La co-rappoteure a notamment pointé le manque de campagnes d’information pour le grand public et les professionnels, ainsi que l'enjeu lié à la formation.

Instaurer une aide active à mourir ?

Jean-Louis Touraine, auditionné notamment en sa qualité d'ancien député auteur de plusieurs propositions de loi relatives à la fin de vie, a d'abord concédé que la loi de 2016 avait "apporté des avancées". L'ex-député La République en marche, venu du Parti socialiste, a cependant ajouté l'avoir "dès l’origine perçue comme insuffisante".

Le professeur de médecine et praticien à l’hôpital Edouard Herriot de Lyon a indiqué qu'une aide active à mourir, "insistante et réitérée", était réclamée dans 3% des cas, reflétant les "oubliés de la loi Claeys-Leonetti", et représentant "quelques dizaines de milliers de Français chaque année".

Ce n’est pas l’existence de l’euthanasie qui empêche le développement des soins palliatifs, au contraire. Jean-Louis Touraine

Au sujet de la sédation profonde et continue, Jean-Louis Touraine a estimé qu'elle n'était "satisfaisante" que quand la mort était imminente, à savoir attendue dans les 24 heures, et qu'elle ne pouvait pas constituer un modèle applicable à tous les cas thérapeutiques, tout comme "le meilleur des soins palliatifs".

Il a, par ailleurs, fait valoir le fait que "ce n’est pas l’existence de l’euthanasie qui empêche le développement des soins palliatifs, au contraire", évoquant le cas de la Belgique, et la "complémentarité" des deux pratiques.

La perspective d'accorder un nouveau droit aux patients en fin de vie, en instaurant une aide active à mourir, est l'un des principaux sujets sur lequels la mission d'évaluation devra statuer à la fin de ses travaux. Pour l'heure, elle poursuivra ses auditions le 19 janvier prochain.