Maintien de l'ordre : incident de séance autour des propos d'un ministre à l'Assemblée

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par LCP.fr, le Mercredi 3 mai 2023 à 20:18, mis à jour le Jeudi 4 mai 2023 à 10:30

Le ministre délégué chargé des Outre-mer Jean-François Carenco a évoqué lors d'un débat dans l'hémicycle un "chemin de crête entre la démocratie et la violence" en matière de maintien de l'ordre, ce qui a suscité de vives réactions sur les bancs de la Nupes. Le ministre a rapidement assuré qu'il voulait "évidemment" parler d'un "chemin de crête entre la démocratie et la lutte contre la violence".  

Il s'agit, selon plusieurs députés de la Nupes, de propos "inacceptables" et "obscurantistes". Mercredi 3 mai dans l'après-midi, lors d'un débat organisé à l'initiative du groupe "La France insoumise" sur "la répression du mouvement social contre la réforme des retraites", le ministre délégué chargé des Outre-mer, Jean-François Carenco, s'est vu reprocher une phrase prononcée au détour d'une réponse. 

Ce débat organisé dans le cadre d'une semaine de contrôle de l'exécutif par l'Assemblée nationale a d'abord été l'occasion pour la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, de fustiger la "Macronie, citadelle assiégée" pour qui selon elle "il n'est plus question de sauver l'ordre public, mais l'ordre établi".  

Au nom du gouvernement, le ministre délégué chargé des Outre-Mer, Jean-François Carenco, a insisté sur le "droit fondamental de manifester en sécurité" et estimé que "la très très grande majorité des manifestations se passent très bien". Mais, a-t-il ajouté, des "éléments perturbateurs ont infiltré les cortèges (...), plusieurs centaines d'individus qui n'ont rien à voir avec la réforme des retraites" et "depuis le 16 mars, 2.380 personnes des forces de l'ordre ont été blessées". 

Interrogé par le député Léo Walter (LFI) sur la technique de la nasse, Jean-François Carenco a d'abord répondu sur ce sujet avant d'élargir son propos. Le ministre, qui avait d'abord évoqué à la tribune l'idée traditionnellement partagée que l'usage légitime de la force appartient à l'Etat et seulement à l'Etat, a terminé sa réponse en indiquant que "le débat démocratique est toujours sur un chemin de crête entre l'expression et le désordre". Ajoutant finalement : "Acceptez la responsabilité des forces de l'ordre d'être sur ce chemin de crête entre la démocratie et la violence !"

Indignation à gauche, le ministre précise son propos

Une phrase qui a immédiatement suscité l'indignation des députés de la Nupes, Matthias Tavel (LFI) dénonçant des propos "inacceptables" : "Les forces de l'ordre n'ont pas à être entre la démocratie et la violence, elles ont à être du côté de la démocratie et uniquement de ce côté-là." Lors d'un rappel au règlement, Arthur Delaporte (Socialistes) a enjoint le ministre de "rectifier ses propos".

Jean-François Carenco lui a répondu immédiatement, en corrigeant son expression : "Oui, c'est un chemin de crête entre la démocratie et la lutte contre la violence", a précisé le ministre, accusant l'opposition de "ne pas écouter ce [qu'il] dit" et d'intrumentaliser une phrase pour lui faire un faux procès. 

La réponse de Jean-François Carenco  n'a toutefois pas convaincu Arthur Delaporte, qui l'a qualifiée d'"assez obscure, voire obscurantiste". "Evidemment que j'ai voulu dire ça", a réaffirmé quelques minutes plus tard le ministre, visiblement agacé par les accusations de l'opposition.

Oui, le maintien de l'ordre, c'est un chemin de crête entre l'obstacle à la violence et la démocratie. Jean-François Carenco

Avant ces échanges tendus, le ministre avait expliqué à la tribune de l'Assemblée que "les policiers et les gendarmes sont autorisés à employer un ensemble de moyens qui leur permettent de répondre à la violence à laquelle ils sont confrontés de manière graduée et proportionnée". Avant d'ajouter : "L'usage de ces moyens est strictement encadré par le droit, relève de l'autorité civile et les gendarmes, policiers peuvent être jugés, c'est cela la démocratie.Il répondait ainsi à Mathilde Panot qui avait accusé le gouvernement de "mise en danger délibérée des policiers et des manifestants" par un "maintien de l'ordre violent". 

Les députés de la Nupes ont, par ailleurs, reproché au ministre d'avoir quitté l'hémicycle pendant une question posée par le député Renaissance Thomas Rudigoz, obligeant la vice-présidente de l'Assemblée nationale, Valérie Rabault, à suspendre la séance.

"La fatigue a ses raisons que la raison ne connaît pas", a commenté Jean-François Carenco lors de la reprise de séance. Une explication qui n'a pas suffit aux députés de la Nupes, qui ont enchainé les rappels au règlement : Matthias Tavel (LFI) a dénoncé "un outrage fait à notre Assemblée", Arthur Delaporte parlant pour sa part d'une "forme d'offense à l'égard du Parlement".

Les députés de l'alliance de gauche ont demandé à plusieurs reprises le remplacement de Jean-François Carenco par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui participait au même moment à la séance de questions au gouvernement au Sénat. Mais c'est bien le ministre délégué chargé des Outre-mer qui a occupé le banc des ministres jusqu'à la fin du débat.