Outre-mer : "tendre vers plus d'autonomie alimentaire", préconisent les auteurs d'un rapport parlementaire

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Champ expérimental d'ignames à Port-Laguerre, en Nouvelle-Calédonie. © Caroline Antic-Martin / Nouvelle-Calédonie La 1ère, 2021.
Champ expérimental d'ignames à Port-Laguerre, en Nouvelle-Calédonie. © Caroline Antic-Martin / Nouvelle-Calédonie La 1ère, 2021.
par Léonard DERMARKARIAN, le Mercredi 5 juillet 2023 à 18:20, mis à jour le Vendredi 7 juillet 2023 à 11:53

Marc Le Fur (LR) et Estelle Youssouffa (Liot) ont rendu les conclusions de leur mission d'information sur "l'autonomie alimentaire des Outre-mer", aujourd'hui fortement dépendants. Au-delà du constat, les deux députés font des recommandations pour "tendre vers plus d’autonomie". 

78% : c'est le taux de dépendance moyen des territoires ultramarins aux importations de produits alimentaires, selon une récente étude de l'Ademe. Une dépendance alimentaire des territoires ultramarins, notamment vis-à-vis de l'Hexagone, qui a des conséquences économiques, nutritionnelles et environnementales : cherté des produits importés (30 à 40% plus cher), moindre qualité nutritive, conséquences en matière de santé, empreinte carbone accrue.

Un constat qui a mené à une multiplication des initiatives des pouvoirs publics ces dernières années qui doivent encore être poursuivie. En octobre 2019, lors d'un déplacement à la Réunion, le président de la République, Emmanuel Macron, a ainsi fait part de la nécessité "continuer à construire son autonomie alimentaire en même temps que l'autonomie énergétique".

Après la délégation parlementaire aux Outre-mer du Sénat qui a récemment rendu un rapport sur le foncier agricole, c'est la délégation de l'Assemblée nationale, présidée par le député de Guyane Davy Rimane (Gauche démocrate et républicaine) qui a pris connaissance, mardi 4 juillet, des conclusions d'une mission d'information sur "l'autonomie alimentaire des Outre-mer", menée par les députés Marc Le Fur (Les Républicains) et Estelle Youssouffa (Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires). 

"On peut, non pas obtenir l’autonomie alimentaire", a constaté le député LR en présentant le résultat des travaux qu'il a menés avec sa collègue du groupe Liot, "mais tendre vers plus d’autonomie" a-t-il ajouté, expliquant : "Les ressources existent, les potentiels humains devraient le permettre, les potentiels géographiques devraient le permettre, encore faut-il être aux côtés des pionniers."

"Offre locale généralement limitée"

Présentant les conclusions de la mission d'information, Marc Le Fur (LR) a relaté une "offre locale généralement limitée" de produits alimentaires dans les territoires ultramarins français, exception faite de la Réunion, menant par exemple à des "importations massives", notamment de riz. Plusieurs raisons sont avancées :

  • Étroitesse des marchés économiques intérieurs menant à des produits locaux chers ;
  • "Concurrence déloyale" des pays environnants les territoires ultramarins ;
  • Indisponibilité des terres agricoles exploitables en raison d'une multiplication des friches et jachères, de la pollution des sols (chlordécone aux Antilles) ;
  • Faible attractivité des métiers agricoles.

Au-delà des causes, la co-rapporteure Estelle Youssouffa (Liot) a quant à elle souhaité insister sur les conséquences de la dépendance alimentaire des territoires ultramarins, notamment en termes de santé publique (cancers, infertilité, diabète).

"Impensé ultramarin"

Au-delà du constat, les corapporteurs ont fait part de plusieurs recommandations. L'appel à changer les habitudes alimentaires a notamment été mis en valeur : celles-ci, modifiées par la mondialisation (produits plus gras, sucrés, salés et transformés), doivent être refondées, notamment à travers la politique de restauration collective mise en œuvre au niveau des collectivités territoriales et l'accompagnement vers la structuration de filières agricoles locales.

La question de la revalorisation des métiers agricoles et du renforcement de la formation a également été mise en valeur à plusieurs reprises, tant pour les métiers agricoles que pour les métiers de la mer. Alors que la France dispose de la deuxième zone économique exclusive au monde, notamment dans l'Indo-Pacifique, la députée de Polynésie Mereana Reid Arbelot (GDR) a regretté l'absence de dispositifs de formation pour la pêche en Polynésie française, amenant les habitants de ce territoire ultramarin à venir se former en Hexagone. Une observation partagée par Estelle Youssoupha (Liot), déplorant un "impensé ultramarin".

Comme notre pays a renoncé à la pêche alimentaire, il ne voit pas l’utilité au niveau des grandes directives ministérielles d’investir sur ce secteur. Estelle Youssouffa (LIOT) 

La question des normes et du rôle de l'Union européenne a enfin été au coeur des débats. Marc Le Fur (LR) a plaidé pour un renforcement de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail pour accompagner les territoires ultramarins afin de trouver des "molécules respectueuses des contraintes environnementales et sanitaires" face à l'interdiction de certains produits phytosanitaires.

Au cours de l'échange qui a eu lieu au sein de la délégation aux Outre-mer, à l'issue de la présentation des conclusions présentées par les deux co-rapporteurs, le député de Martinique Giovanni William (GDR) a déploré l'absence dans le rapport de propositions de réforme du foncier agricole ultramarin, en dépit selon lui d'une "demande forte"Karine Lebon (GDR) a, quant à elle, critiqué les prises de position d'Estelle Youssouffa (Liot) à propos de l'opération Wuambushu à Mayotte. Des réserves qui n'ont pas empêché l'adoption du rapport. 

D'autres travaux concernant les Outre-mer sont en cours à l'Assemblée : une mission d'information parlementaire sur l'autonomie énergétique des territoires ultramarins, ainsi qu'une commission d'enquête sur la vie chère dans les Outre-mer