Russie : François Fillon met en garde contre la vision manichéenne de l'Occident

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L'ancien Premier ministre François Fillon à l'Assemblée nationale, le 2 mai 2023
L'ancien Premier ministre François Fillon à l'Assemblée nationale, le 2 mai 2023
par Raphaël Marchal, le Mardi 2 mai 2023 à 22:31, mis à jour le Mercredi 3 mai 2023 à 12:24

Auditionné à l'Assemblée nationale par la commission d'enquête sur les ingérences étrangères, François Fillon a nuancé la vision "unanime" qui prévaut à propos la Russie, tout en condamnant la "faute" que représente l'invasion de l'Ukraine. Devant les députés, l'ancien Premier ministre a, par ailleurs, martelé que jamais une seule décision prise durant sa carrière politique n'avait été "influencée par une puissance étrangère". 

Le régime russe fait-il pire que d'autres régimes d'États autoritaires ? Pour François Fillon, le débat mérite d'être posé. Auditionné par la commission d'enquête sur les ingérences étrangères, mardi 2 mai, l'ancien Premier ministre était notamment attendu sur son passage au sein de conseils d'administration de deux sociétés russes, Sibur (pétrochimie) et Zaroubejneft (hydrocarbures), qu'il a quittés quelques jours après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, ainsi que sur ses relations réelles ou supposées avec Moscou. 

Devant les députés, François Fillon a tenu à clarifier sa position, insistant sur le fait que jamais une seule décision prise durant sa carrière politique n'avait été "influencée par une puissance étrangère". L'ancien chef du gouvernement lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy a tenté de dresser une frontière entre sa vie politique passée et la carrière privée qu'il a entamé après sa défaite à l'élection présidentielle de 2017, estimant qu'elle ne "regardait que [lui]". "Si j'ai envie de vendre des rillettes sur la place Rouge, je vendrai des rillettes sur la place Rouge", a-t-il lancé, un brin provocateur.

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François Fillon a également souligné qu'il n'avait "jamais touché un centime" de la part de la Russie, ni même d'entreprises russes puisqu'il a démissionné des deux conseils d'administration dont il a fait partie quelques jours après le début de l'invasion russe en Ukraine, après n'avoir participé qu'à une réunion de chacun de ces conseils d'administration. L'ancien Premier ministre a néanmoins reconnu avoir commis une erreur d'analyse : jamais, jusqu'à la veille de l'invasion, il n'avait pensé que Vladimir Poutine mettrait son projet à exécution.

La "catastrophe absolue" provoquée par la Russie

François Fillon a condamné sans ambages la guerre déclenchée par Moscou, critiquant une "catastrophe absolue" aux conséquences lourdes. Il n'a cependant pas caché son exaspération quant au récit manichéen qui s'est, selon lui, installé en France, pointant notamment la vision "unanime" des médias. "Dans la presse américaine, il y a un débat. Ce n'est jamais bon quand la quasi-totalité du système médiatique défend une seule vision", a-t-il relevé.

A l'inverse, l'ex-Premier ministre n'a eu de cesse de défendre la vision du géant russe, s'étonnant du statut de "dictature" qui lui aurait été subitement et naïvement accolée, alors que la Russie a "toujours été un pays autoritaire". Dans la même veine, François Fillon a fustigé une certaine forme d'hypocrisie ; ainsi, selon lui, le risque de corruption en Russie "est élevé", mais pas plus que dans des régimes comparables et pourtant présentés comme davantage fréquentables. De même, il s'est étonné du qualificatif d'"oligarques" systématiquement réservé aux entrepreneurs russes, sans qu'il ne voit de différence notable avec les chefs d'entreprises d'autres pays.

Il a également livré son analyse des sanctions internationales prises à l'encontre de Moscou, les jugeant inefficaces sur le fond comme sur la forme. "Cela n'a jamais fonctionné", a-t-il martelé, constatant l'effet délétère qu'elle peuvent avoir sur les économies occidentales, tandis qu'un système de compensation s'est mis en place en Russie. Il a surtout mis en garde contre un autre isolement : celui que l'Occident peut lui-même créer en tentant de régenter le monde par "arrogance". "Ce sont les Occidentaux qui imposent leurs sanctions au reste du monde. Si vous ne ressentez pas à quel point cette politique là fait monter un ressentiment contre nous, vous ne voyez pas arriver l'orage qui va s'abattre sur l'Europe", a-t-il averti. 

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