L'Assemblée nationale reconnaît et condamne le "massacre des Algériens du 17 octobre 1961 à Paris"

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PPR massacre Algériens LCP 28/03/2024
L'Assemblée a adopté la proposition de résolution condamnant le massacre des Algériens du 17 octobre 1961 (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Jeudi 28 mars 2024 à 13:50, mis à jour le Jeudi 28 mars 2024 à 14:05

L'Assemblée nationale a adopté, ce jeudi 28 mars, une résolution reconnaissant et condamnant le "massacre des Algériens du 17 octobre 1961 à Paris". Porté par Sabrina Sebaihi (Ecologiste), et notamment signé par le président du groupe Renaissance, Sylvain Maillard, le texte - qui "souhaite l’inscription d’une journée de commémoration du massacre du 17 octobre 1961 à l’agenda des journées nationales et cérémonies officielles" - a été voté par 67 voix contre 11. 

Faire toute lumière sur un événement tragique, longtemps occulté de l'histoire officielle, et contribuer ainsi au travail de mémoire. Telle était l'un des objectifs de la résolution relative à "la reconnaissance et la condamnation du massacre des Algériens du 17 octobre 1961 à Paris", adoptée ce jeudi 28 mars par l'Assemblée nationale, par 67 voix contre 11 (détail du scrutin ici) . "L'histoire n'est pas un bloc. C'est un ensemble. Elle a ses parts d'ombre et de lumière", a notamment déclaré lors des débats la première signataire du texte, Sabrina Sebaihi (Ecologiste).

Rendant hommage aux "oubliés de l'histoire de France", la députée est revenue en détails sur la manifestation organisée pour protester contre la mise en place d'un couvre-feu appliqué aux seuls "Français musulmans d'Algérie", et réprimée dans le sang sous les ordres du préfet de police de la capitale, Maurice Papon. Quelque 12 000 personnes sont arrêtées, et selon des travaux récents jusqu'à 200 morts seraient à déplorer, loin des bilans dressés à l'époque par les autorités. "La Préfecture de police s'est employée à dissimuler ce qui s'est révélée être la répression d’État la plus violente qu'ait jamais provoqué une manifestation de rue en Europe occidentale dans l'histoire contemporaine, selon les historiens Jim House et Neil MacMaster", a relevé Sabrina Sebaihi.

La résolution "condamne la répression sanglante et meurtrière des Algériens commise sous l’autorité du préfet de police Maurice Papon le 17 octobre 1961". Sans valeur contraignante pour l'exécutif, mais à forte valeur symbolique, le texte souhaite, en outre, "l’inscription d’une journée de commémoration du massacre" à l'agenda des journées officielles et des cérémonies nationales. 

Le soutien du gouvernement

Le texte, qui avait fait l'objet d'un travail préparatoire destiné à permettre son adoption, a reçu le soutien du gouvernement. Essentiellement signée par des députés des groupes de gauche, la proposition de résolution avait d'ailleurs aussi été signée par quelques députés du parti présidentiel, dont le président du groupe RenaissanceSylvain Maillard. "Cela démontre la volonté de notre groupe de confronter l'histoire de notre pays, même dans ses pages les plus sombres", a soutenu Julie Delpech (Renaissance) à la tribune, déchirant le "voile d'omission qui a tenté de couvrir l'ampleur de cette tragédie".

La ministre déléguée, Dominique Faure, représentant le gouvernement, a pour sa part rappelé les actions menées par Emmanuel Macron depuis 2017 pour "travailler à la pacification de la mémoire de la guerre d'Algérie". Notamment via la mise en place d'une commission mixte d'historiens indépendants, Français et Algériens, qui s'est réunie quatre fois en un an. "Il est important de laisser faire ce travail avant d'envisager une nouvelle journée commémorative spécifique", a cependant jugé la ministre, rappelant que trois dates liées à la guerre d'Algérie étaient déjà fixées dans le calendrier.

Plusieurs députés de gauche ont, au contraire, appelé à aller plus loin en condamnant un "crime d'Etat". "Le crime du 17 octobre n'est pas la bavure d'un chef ; c'est le crime de l'institution policière", a soutenu Paul Vannier (La France insoumise).

Opposition du RN, discrétion de LR

Inversement, les texte et ses intentions ont été vilipendé par Frank Giletti (Rassemblement national). Critiquant une "repentance à outrance", l'élu a dénoncé une manœuvre à visée électoraliste. "Qui s'étonne encore de voir la Nupes se saisir d'un si douloureux souvenir pour instrumentaliser la détestation de nos forces de l'ordre", a-t-il lancé. Avant de dresser un parallèle entre le Front de libération nationale (FLN) algérien et le Hamas, deux mouvements "terroristes", et d'appeler à empêcher la gauche du Palais-Bourbon "d'encourager un sentiment de revanche du peuple algérien sur le peuple français". Frank Giletti a aussi fustigé Emmanuel Macron, coupable selon lui de "s'agenouiller devant le gouvernement algérien" et de "mortifier son propre pays par des repentances continues devenues insoutenables".

Des déclarations conspuées par les orateurs de gauche qui lui ont succédé au député RN. Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine) a ainsi tancé le "racisme rance, xénophobe et décomplexé du Rassemblement national", tandis que Sabrina Sebaihi a fait part de son "effroi quant aux propos de certains révisionnistes décomplexés de l'Histoire". "Ici, certains s'inscrivent dans la lignée des saboteurs des accords d’Evian", a-t-elle poursuivi, accusant les élus du Rassemblement national de vouloir "effacer 132 ans de colonisation, de privation de terres, d'accaparement de biens, de crimes et de tortures".

Les Républicains ont, quant à eux, été particulièrement discrets lors des débats. Ils n'ont pas inscrit d'orateur sur le texte, et une seule députée du groupe LR a participé au scrutin, Christelle Petex, qui s'est abstenue. En décembre dernier, le groupe Les Républicains avait tenté de dénoncer l'accord franco-algérien de 1968, le jugeant responsable d'une "immigration de masse". Examiné dans une ambiance houleuse, le texte avait notamment provoqué un échange très vif entre sa rapporteure, Michèle Tabarot, fille d'un dirigeant de l'OAS, et Sabrina Sebaihi, qui avait renvoyé sa collègue de droite à son histoire familiale. Mercredi, la députée écologiste s'est tournée vers ceux qui "ne versent ni dans la glorification aveugle, ni dans la repentance perpétuelle, mais dans la vérité".