Justice : Éric Dupond-Moretti défend son projet de loi, dans un contexte marqué par les émeutes

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par Raphaël Marchal, le Lundi 3 juillet 2023 à 22:30, mis à jour le Mardi 4 juillet 2023 à 15:44

L'Assemblée nationale a commencé, lundi 3 juillet, l'examen du projet de loi de programmation de la Justice, présenté par Éric Dupond-Moretti, qui prévoit un budget en hausse jusqu'à la fin du quinquennat, ainsi que des recrutements pour améliorer le fonctionnement de l'institution judiciaire. Des références aux émeutes de ces derniers jours ont émaillé le début des débats dans une ambiance qui est restée mesurée. 

C'est dans un climat particulier que l'examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 a débuté dans l’hémicycle de l'Assemblée nationale. Les événements de ces derniers jours - les émeutes et les pillages qui ont suivi la mort de Nahel - étaient présents dans toutes les têtes, parfois dans les mots, mais le débat de fond sur le texte l'a emporté sur l'actualité au cours de la discussion générale.

À la tribune, le garde des Sceaux a détaillé les mesures contenues dans le projet de loi, insistant sur l'augmentation "sans précédent" du budget de la Justice, qui doit selon lui permettre de lutter contre la "gangrène" qui touche une institution en déshérence. Les crédits du ministère doivent ainsi passer de 8,9 milliards d'euros en 2022, à environ 9,6 milliards en 2023, jusqu'à près de 10,8 milliards en 2027. Cette hausse permettra notamment le recrutement de 10 000 effectifs supplémentaires, dont 1 500 magistrats et autant de greffiers. L'objectif étant de "diviser par deux les délais de justice d'ici à 2027", a souligné Éric Dupond-Moretti.

La France insoumise en croisade contre la réforme

Cette hausse des moyens avancée n'a pas convaincu les élus de La France insoumise. Le groupe LFI a défendu, sans succès, une motion de rejet préalable. Sans recueillir le soutien de leurs alliés de la Nupes, cette dernière a été rejetée par 97 voix contre 23. Ugo Bernalicis a tenté de s'élever contre un budget insuffisamment fléché, selon lui, destiné à "prolonger une justice de classe" ; contre la construction de places de prison supplémentaires, un "aspirateur à crédits" ; ou encore contre la mise en place de nouvelles techniques d'enquête, et notamment l'activation à distance de dispositifs électroniques.

Le député insoumis a également critiqué la création prévue d'un poste "d'attaché de justice", qui menacerait un pan de la fonction de greffier, tout comme leur évolution salariale jugée insuffisante. Rappelant qu'un mouvement de grève touche actuellement la profession, il a repris dans l'hémicycle un chant de greffiers mobilisés : "Regarde-moi, je ne sais plus comment aimer mon boulot de greffier", détourné d'un morceau d'Isabelle Boulay, compagne d'Éric Dupond-Moretti. "Je savais que vous parliez mal, que vous pensiez mal, je viens de découvrir que vous chantez mal aussi", a réagi le ministre.

Un début d'examen marqué par le contexte des émeutes

En ouverture des débats, le garde des Sceaux a appelé à "répondre à un besoin régalien fort". "Plus que jamais notre justice (...) et tous ceux qui la servent avec dévouement et qui sont aujourd'hui mobilisés ont besoin de nous", a-t-il souligné.

Au cours de la discussion, de nombreux députés ont évoqué les événements qui ont secoué la France depuis la mort de Nahel, mardi dernier. Plusieurs d'entre eux, comme Cécile Untermaier (Socialistes), Philippe Pradal (Horizons) et Philippe Gosselin (Les Républicains), ont dénoncé les agressions commises envers les élus.

D'autres ont également critiqué la position des élus La France insoumise, les accusant d'avoir couvé puis attisé les braises de l'insurrection, comme Sarah Tanzili (Renaissance) ou Naïma Moutchou (Horizons). "Faire du clientélisme électoral sur le dos des habitants des quartiers, c'est une honte absolue", a grondé la vice-présidente de l'Assemblée. Particulièrement vindicatif, Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national) a dépeint Jean-Luc Mélenchon, David Guiraud et Louis Boyard comme des "Minos, Rhadamanthe et Éaque de carnaval" - en référence aux juges des enfers de la mythologie grecque -, "prêts à salir tous les jours l'honneur des forces de l'ordre, à appeler aux émeutes avant de pleurnicher sur les conséquences de leurs actes".

À l'issue de la discussion générale, le ministre a lui-même fini par réagir, en s'en prenant frontalement au "grand Conducător Mélenchon", coupable d'avoir "tardé" à dénoncer les émeutes. "Il a dit : 'ne touchez pas aux écoles, bibliothèques, gymnases'. Et les palais de Justice ? Et les commissariats ? Et les mairies ? Tout ça vous vous en moquez, parce que vous voulez détruire la République."

L'examen du projet de loi, inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée jusqu'au début de la semaine prochaine, se poursuit ce lundi soir.